Formation apicole dans la commune de N’GARADOUGOU
Membre d’APIFLORDEV depuis un an, c’est ma première mission sur le continent africain. Je suis accompagné par André ROMET expert apicole confirmé en apiculture tropicale.
Cette mission fait partie d’un projet de développement dans la vallée du Banni (affluent du Niger), dans le cercle de Dioïla à 190 Km, à l’est de Bamako.
C’est une région où l’apiculture est très développée. On y dénombre 600 apiculteurs et environ 11000 ruches pour 66 villages. Ces apiculteurs sont regroupés en 3 coopératives, elles mêmes regroupées en une union des coopératives appelée « Djiko Dié ».
Les ruches utilisées sont des ruches traditionnelles cylindriques en bois tressé, de petites capacités, 37 litres. La production est d’environ 3Kg par ruche.
L’association Apiflordev est intervenue à la demande de l’union des coopératives Djiko Dié pour développer la production et la commercialisation, ainsi que la formation des apiculteurs aux méthodes de l’apiculture moderne. L’association intervient dans 3 villages, sièges des coopératives déjà en place, à savoir : Ngaradougou, Sénou et Ngolobougou.
Le projet est prévu pour une durée de trois ans et demi. A ce terme, 360 apiculteurs et 18 moniteurs maliens seront formés. Les villageois apiculteurs construisent leurs propres ruches sous la direction des apiculteurs experts. Dans les trois villages, un VSI (volontaire solidarité internationale) est en place pour 3 ans pour piloter le projet.
Notre mission était la suivante :
- Former 40 élèves, 3 moniteurs et un VSI
- Installer un rucher école de 20 ruches et 5 ruchettes à cadres
- Fabriquer 85 ruches Vautier en ciment
- Fabriquer 85 ruches Langstroth horizontales en bois
Nous sommes partis de Roissy le mardi 19 octobre à 16 heures et sommes arrivés à Bamako à 20 H 30, heure locale, après un vol de 5H30. Il fait 12° au départ et 30° à l’arrivée à Bamako.
A la sortie de l’aéroport, nous sommes accueillis par Elarik PHILOUZE chef de projet français qui nous conduit à notre hôtel à la sortie de Bamako.
Le lendemain, nous partons pour le village de Ngaradougou, à 190 Km de Bamako, accompagnés par le chef de projet français et le chef de projet malien, M. Moussa Mariko et un expert sénégalais Mamadou BAKHOUM qui doit rester avec nous une semaine, pour nous instruire à la fabrication des ruches en ciment. Nous arrivons vers midi à Dioïla, là où habite Elarik ; il travaille en Afrique depuis 10 ans ; son épouse est togolaise.
Nous avons parcouru 180 Km dont 50 Km de piste et il nous reste 17 Km à parcourir avant d’arriver à Ngaradougou. Nous y parvenons à 15H 30. Nous sommes accueillis par Lorris, « Volontaire Solidarité Internationale » (VSI) et sa compagne, Camille. C’est chez eux que nous nous installons pour cinq semaines. Ils sont en place depuis septembre pour une durée de 3 années. Leur maison est située en bordure du village ; elle est construite en terre avec voûte nubienne pour le maintien d’une température supportable à l’intérieur. Sur le toit, sont installés deux panneaux photovoltaïques et une citerne de 1000 litres, fournissant l’eau pour la cuisine et la toilette. Des toilettes écologiques Ecosan sont à l’extérieur de la maison. Elles ont été construites par Lorris et viennent d’être terminées.
Maison écologique, en bordure du village, Ngaradougou, Mali
La commune de Ngaradougou compte environ 1500 habitants qui habitent dans plusieurs villages distants les uns des autres de quelques kilomètres. 95% des villageois sont agriculteurs. A l’arrivée nous installons nos bagages et allons décharger le 4×4 à la miellerie qui se trouve à 800m. Sur le parcours, nous avions chargé des cadres et des éléments de ruches pour la formation qui débute demain. La miellerie vient d’être construite et comporte trois pièces : une salle d’extraction qui servira de salle de cours en attendant son aménagement, une pièce pour entreposer le matériel et un bureau. Un puits a été foré pour l’alimentation en eau.
Le 23 octobre, nous avons commencé les cours.
Tous les stagiaires prévus étaient présents, 40 élèves dont 11 femmes. La plupart de ces stagiaires ne parlent pas le français ; ils parlent le bambara, ce qui nécessite la présence d’un traducteur, les cours étant dispensés en français. C’est Moussa Mariko, le chef de projet malien qui a été l’interprète pendant toute la durée de la formation.
Elarik et Lorris ont expliqué aux élèves le fonctionnement de la coopérative, le déroulement du stage ainsi que l’intérêt de suivre cette formation.
La première semaine est consacrée à la fabrication des ruches Vautier, en ciment, sous la direction de Mamadou BAKHOUM. Ensuite il doit repartir au Sénégal.
Nous avions six moules en bois qui avaient été fabriqués par des artisans locaux sur les indications de Lorris. La fabrication se déroulait sous la conduite de Mamadou et Lorris. D’abord montage du moule, mise en place du grillage pour la solidité du ciment, confection du ciment et mise en place, séchage et démoulage le lendemain. Compte tenu de la chaleur il fallait arroser le ciment pour éviter un séchage trop rapide. Nous avons eu quelques problèmes avec la fixation des crémaillères dans le ciment.
La deuxième semaine est consacrée à la fabrication des ruches en bois, de type Langstroth, horizontales, à 20 cadres et des ruchettes. Nous continuons également la construction des ruches Vautier (ruches horizontales, 22 cadres Langstroth). Le soir, à la tombée de la nuit, nous allons récupérer des ruches traditionnelles peuplées que nous rapportons au rucher école pour les transvaser dans les ruches et ruchettes à cadres.
L’abeille africaine, apis adansonii, est plus petite que notre abeille. Elle est aussi plus agressive. Les alvéoles sont plus petites : 1000 alvéoles au dm², la nôtre ayant 780 alvéoles au dm². La distance entre les cadres, d’axe à axe, est de 32mm ; la nôtre est de 38mm. La population d’une colonie est de 60000 à 80000 abeilles. Quelques petites différences sont notées également dans le cycle biologique. Les abeilles ont tendance à déserter facilement leur ruche au moindre problème. Compte tenu du climat, on observe en permanence du couvain dans les ruches.
Ruche traditionnelle peuplée, Ngaradougou, Mali
Nous avons été confrontés à de gros problèmes pour le transvasement des abeilles et ensuite pour le maintien des essaims dans les ruches et les ruchettes. En raison de l’agressivité des abeilles pendant le jour, les transvasements avaient lieu pendant la nuit. Au début de nos exercices, nous découpions le couvain pour l’installer sur les cadres. Après la saison des pluies, il n’y avait plus de miel en réserve ; les abeilles se nourrissaient directement sur les rares arbres en fleurs. On trouve peu, ou pas, de faux bourdons dans les ruches.
Les premières ruches transvasées ont déserté dès le lendemain. Nous avons alors modifié notre façon de faire : nous n’avons installé que du couvain ouvert, ensuite, nous avons fait monter les abeilles en tapotant et en enfumant la ruche. Durée de l’opération : 1H ½.
Nous avons fabriqué un nourrisseur et nous avons nourri cet essaim pendant 4 jours. Avec cette méthode, nous n’avons plus été confrontés à la désertion des abeilles de la ruche.
Pour la fabrication des ruches, le bois a été débité par une menuiserie locale. Les enfumoirs et les tenues ont été fabriqués localement. Les élèves ont appris à fabriquer les crémaillères, la cire gaufrée, ainsi que les toits tôlés.
Alain du Chaxel, bien entouré…
La 3ème semaine nous avons commencé les cours pratiques. Pour dispenser ces cours nous disposions d’un vidéo projecteur.
Les sujets suivants ont été abordés :
- comparaison entre les ruches traditionnelles et les ruches à cadres
- anatomie et biologie de l’abeille
- les produits de la ruche
- l’essaimage
- division des colonies
- visite des ruches
Les élèves étaient très attentifs. Ils ignoraient tout de la vie et de la biologie de l’abeille. Ils ne différenciaient pas la désertion de la ruche de l’essaimage. Ils n’avaient pour la plupart jamais vu une reine, ni un faux bourdon. Ils avaient une grande peur des abeilles. Ainsi, à cause de leurs craintes et de leur ignorance, ils détruisaient les colonies pour récolter le miel. Equipés d’une bonne tenue et d’un enfumoir, les stagiaires ont réalisé des exercices pratiques ; depuis, ils ont pris de l’assurance.
Lorris Niard, volontaire du service international (VSI) en poste à N’Garadougou
Pendant la quatrième et la cinquième semaine, nous avons continué les cours et la construction des ruches et des ruchettes.
Après la journée de formation, le travail n’était pas fini pour Lorris qui poursuivait l’aménagement intérieur et extérieur de la maison aidé de sa compagne Camille. Pendant notre séjour, la douche a été terminée, les latrines installées, l’aménagement des bacs pour l’écoulement des eaux usées a été réalisé. Camille réalisait des prouesses pour le repas du soir et le petit déjeuner, avec d’autant plus de mérite, que l’approvisionnement devait se faire à la ville la plus proche, soit 17 Km. Les moments du repas partagé entre les jeunes, Camille et Lorris et nous les formateurs, André et moi, ont été des moments forts en convivialité, en échanges et en partage.
Camille apprend le Bambara ; elle commence à avoir assez de connaissances pour dialoguer avec les villageois. Elle a pu nous faire découvrir les villages alentour en discutant avec les gens. Nous avons été invités plusieurs fois au village. Nous sommes allés en visite au village peul et là, nous avons été accueillis par une dame très sympathique Hawa ; cette personne est présente quotidiennement sur le marché de N’GARA pour vendre ses produits.
Jean-Paul Viellard, formeur experts
La formation s’est terminée par une fête au cours de laquelle les autorités locales et le président d’Apiflordev ont remis des diplômes aux stagiaires. Chaque stagiaire a reçu son diplôme, une tenue, un enfumoir, une brosse à abeilles et une paire de bottes. Lorsque les ruches seront terminées, chaque stagiaire en recevra quatre (deux en bois et deux en ciment). Ce moment festif s’est accompagné de danses et de chants auxquels participaient tous les gens du village. Ensuite, un repas commun a été servi.
Cérémonie de remise des diplômes, Ngaradougou, Mali
Mamadou Bakhoum, sénégalais, apiculteur expert
Le président d’Apiflordev, Alain du Chaxel, est venu sur place la veille de la fin de la formation. Il était accompagné de trois personnes : deux apiculteurs experts qui viennent encadrer la seconde formation, à Sénou (début de cette formation le 22 novembre) et un apiculteur VSI en contrat de trois ans pour le village de N’golobougou. Cette personne commencera à préparer le troisième stage du projet, et participera également au deuxième stage pour se perfectionner en apiculture tropicale.
Souleymane Koné, ivoirien, permanent à Sénou
Danse lors de la cérémonie de remise des diplômes
Elarik Philouze, chef de projet expatrié
Mon premier séjour au Mali se termine. Je dis au revoir aux gens du village et à mes élèves. Je reviendrai en février pour 3 semaines afin de réceptionner le matériel et installer le local d’extraction.
Ce séjour a été éprouvant physiquement, en raison de la forte chaleur diurne, la température avoisinant les 40°. Le travail sur les ruches, le soir, était aussi très fatigant avec une température aux alentours de 28°.
Ce fut un séjour très enrichissant grâce à l’accueil réservé par les apiculteurs stagiaires maliens. Leur souci d’apprentissage aux techniques modernes leur permet d’être des élèves attentifs et passionnés.
Le dimanche 21 novembre, nous avons repris la piste et la route pour Bamako. Nous décollions à 23H30, heure locale. A notre arrivée, la température à Roissy, était de 2°.
Je ne peux pas terminer mon récit sans relater un heureux évènement : Le jour de notre arrivée à Ngara, une jeune maman, inscrite à la formation, a donné naissance à une petite fille. Les villageois nous ont demandé de lui donner un prénom. Lourde tâche ! Avec André, Lorris et Camille, nous avons choisi pour cette petite fille le prénom de « Maya ». C’est à la quatrième semaine du stage que sa maman est venue nous la présenter ; elles sont restées avec nous le temps de partager le repas commun. servi comme chaque jour pour les stagiaires et les formateurs. Maya est très mignonne et sa maman aussi.
Jean-Paul Viellard – Formateur à APIFLORDEV – 2010