L’abeille Adansonii et l’apiculture au Cameroun

Bien souvent, je ne résiste pas au plaisir de photographier nos merveilleuses butineuses récoltant nectar ou pollen.
Lors d’un de mes premiers séjours au Cameroun, je fis une expérience bien particulière. Approchant l’objectif à quelques centimètres d’une abeille Africaine, voici que la belle me fait comprendre par un tournoiement rapproché que ma présence n’était pas désirée!
La chaleur semblait rendre ces abeilles encore plus réactives, et plus rapides dans leur déplacement.
Si ce premier contact avec l’abeille Adansonii allait être révélateur de son agressivité naturelle, il n’en était pas moins le prémisse d’une superbe aventure…

Face à ces divers problèmes l’attitude des chercheurs et autres spécialistes apicoles devrait être plus active dans la diffusion des informations : une union des associations d’apiculteurs tarde à voir le jour, pour des problèmes de personnes. Nous avons montré à maintes reprises à Nairobi et dans d’autres régions qu’ouvrir une ruche dans la journée ne relève pas de l’exploit : il suffit de remplacer le carburant de l’enfumoir ( copeaux de bois, sciure ou bouse de vache séchée que l’abeille déteste) par de la fougère qui abonde dans la pays ou simplement par des herbes semi-sèches qui produiront une fumée blanche et froide pour voir le miracle s’opérer.( voir photos jointes). Choisir un moment de la journée où la température avoisinera 20° ; à partir de 25° des flots d’abeilles que l’enfumage aura du mal à contenir remontent du corps. Autre bizarrerie de cette abeille : elle préfère planter son dard dans le cuir chevelu des passants qui circulent à 30 mètres du rucher que dans les mains des apiculteurs qui entourent sa ruche ; une bonne précaution est donc, après l’ouverture de deux ruches, de faire une pause de 5 minutes pour voir le calme revenir dans les alentours. La facilité avec laquelle il est possible de produire des reines devrait être enseignée dans les groupes d’apiculteurs afin de ne pas attendre 6 mois ou un an le peuplement des ruchettes de capture ; et élever sur des colonies qui sont installées depuis au moins deux ans afin de diminuer les risques de multiplier les souches migratrices car il y a des colonies qui ne migrent pas, comme chez les gnous ou les zèbres, mais qui se contentent d’essaimer. D’autre part, clipper une jeune reine fécondée dans une ruchette 4 cadres est plus utile que placer une grille anti-désertion à l’entrée de la ruche comme cela se pratique dans le pays!

Il ne semble pas que les colonies de Scutellata parviennent à de grosses populations sauf celles hybridées avec Monticola; comme les autres abeilles africaines l’essaimage intervient assez vite lorsque les miellées sont présentes; malgré la fécondité des reines qui est assez régulière tout au long de l’année, il est fait état d’un déficit important entre le quantité de couvain et le nombre d’abeilles formant la colonie. Le manque de pollen mais aussi sa qualité en sont peut-être la cause qui pousse les abeilles au cannibalisme, à moins que ce ne soit le manque d’aération du couvain car les ruches ont souvent des entrées minuscules.

A proximité des montagnes dépassant 3.000m beaucoup de colonies ont une population entièrement noire témoignant d’une hybridation avec Monticola et certaines sont relativement douces et commencent le butinage vers 12°; une recherche devrait être faite pour savoir quel croisement permettrait d’obtenir des colonies moins agressives. Mais personne dans la pays ne s’intéresse vraiment à la Monticola ; tout le monde compte sur la barrière du froid censée la protéger alors que déjà, sur le Mt Kénya on a trouvé des Monticola jaunes ! Certes, Scutellata ne peut pas survivre dans le domaine de Monticola ,mais qu’en est-il de leurs hybrides ? L’ICIPE a pourtant les moyens financiers d’entreprendre ce travail de sauvegarde ; on préfère s’atteler à la domestication de cinq variétés d’abeilles sans dard découvertes dans la dernière forêt intégralement préservée de Kakamega à l’Ouest du pays.

Souhaitons que l’engouement suscité par l’utilisation de la ruche Langstroth débouche bientôt sur un développement réel du monde rural ( petits fermiers) qui jusque-là est tenu à l’écart de la prospérité à croissance rapide des villes ; l’apport du tourisme ne le concerne pas non plus ; des dizaines de groupes de jeunes ruraux , garçons et filles, cherchent à développer leurs villages et beaucoup d’entre eux regardent vers l’apiculture, en vain, faute de formateurs . Des ethnies comme les Masaï, les Samburu ou les Turkana, pasteurs nomades des zones arides, restées fidèles à leurs pratiques ancestrales et donc en marge de la modernité, acceptent désormais , grâce à l’action des missionnaires, de s’intéresser à cette nouvelle apiculture qui pourrait leur apporter un peu de bien-être.

Merci au Centre Apicole Focolare d’Uthiru (Nairobi) de m’avoir accueilli un mois durant et permis de découvrir ce merveilleux pays et son apiculture. Dommage que la sécurité des biens et des personnes, bien qu’en progrès, ne soit pas encore totalement assurée dans la capitale.

André Romet
Apiflordev et APSF

Paru dans “Abeille de france” – janvier 2007 n°932